L’Église a-t-elle failli sur la prise en charge de l’homosexualité ?

Mon interview dans Sexualités humaines-2

S.H. : Malgré ta défense résolue de l’Eglise, tu indiques que lorsque tu étais jeune séminariste, les pères qui t’encadraient t’ont blessé. Ton homosexualité fut vécue comme un chemin de croix dans l’Eglise. N’est-ce pas là une preuve de sa faillite ? Plus largement, que faudrait-il changer dans l’Eglise pour que les personnes homosexuelles soient pleinement accueillies ?

G.P. : J’ai souffert à cause de certains hommes d’Eglise, mais ils m’ont blessé involontairement. C’est leur maladresse qui est en cause, voire leur brusquerie sur le plan spirituel. Ils n’ont pas su accueillir ma parole avec la délicatesse nécessaire. J’ai souffert intensément, surtout pendant deux ans au cours desquels on m’imposa des séances d’exorcisme. Ces séances étaient si douloureuses que j’ai plus d’une fois songé à me suicider. Le résultat de ces initiatives fut gravissime : pendant un temps, j’ai métaphoriquement craché sur l’Eglise et ceux qui la constituent. Sans perdre la foi, je n’arrivais plus à la vivre ; alors je suis tombé dans les discours faciles que je dénonce aujourd’hui : tolérance, évolution… Je voulais que l’Eglise épouse les contours de mes désirs, qu’elle accepte systématiquement les envies que je pouvais avoir, quelles qu’elles soient. Je suis tombé très bas.

Le temps et une expérience mystique me relevèrent, si je puis dire. Il faut savoir que nos expériences heureuses ou malheureuses, nos souffrances et nos malheurs peuvent nous aider à franchir des seuils. Il ne faut pas les vivre passivement. L’Eglise n’a pas failli, mais certains prêtres se sont trompés. C’est bien différent. A l’avenir, il serait bon que les membres de l’Eglise sachent distinguer l’écoute du fait d’entendre : savoir répondre à un problème de vie complexe, c’est avant tout accompagner, et non prescrire.

J’ajoute :

À propos des thérapies dites de « conversion », le sujet est important. Certaines personnes ont vécu de grandes souffrances. Je peux en témoigner, ayant dû supporter deux ans de prières d’exorcisme, ainsi qu’une retraite de guérison parce que j’étais homosexuel et en pleine dépression. Je ne souhaite à personne de vivre le quart de la moitié de ces expériences. C’est inhumain.

Toutefois, il faut rester circonspect face à tous ces groupuscules tels David et Jonathan (j’en ai fait partie) ; certains instrumentalisent la souffrance pour en faire un étendard contre l’Eglise, consciemment ou non. Le but inavoué de la bataille contre les thérapies de conversion est trop souvent de museler la Parole de l’Eglise – ou, plus grave, de reformater quelque peu cette Parole au profit d’attentes actuelles. Ne nous y trompons pas.

Si Dieu n’était pas intervenu dans ma vie, si j’étais resté seulement sur ma souffrance et l’émotionnel, je ferais certainement partie aujourd’hui de ces groupes. Je les connais bien : ils utilisent trop souvent les procédés rhétoriques pour clouer le bec à la Vérité et à la parole de l’Eglise (une foule d’exemples concrets et documentés pourraient être évoqués) ; ils manœuvrent spécieusement pour mener leurs projets à terme, sans se soucier de la Charité qui consiste au Salut des âmes : peut-on, en conscience, relativiser le Salut des âmes lorsqu’on s’annonce chrétien ? Ils négligent les personnes homosexuelles qui cheminent avec le Christ en prenant au sérieux les exigences évangéliques, sans biaiser, et qui reçoivent l’enseignement de l’Eglise sans tricher : à ceux-ci, que raconte-t-on sinon qu’ils sont des bêtes curieuses, ou qu’ils déraillent gentiment ? Ne serait-ce pas une forme d’homophobie.

J’ai conscience – et je l’ai vécu – que nous pouvons être gravement blessés par des membres de l’Eglise. Il ne s’agit pas d’opter pour un aveuglement. J’ai conscience qu’il y a des choses à changer, du discernement à avoir sur certaines situations, évacuer les fraudeurs, les manipulateurs, les abus de toute sorte, en particulier d’ordre sexuel dans l’Eglise ! Il faut accueillir chacun, chaque souffrance, accompagner la personne dans son cheminement à retrouver la paix intérieure ; il faut demander la grâce de pardonner pour avancer. Bien sûr, être une personne homosexuelle n’est pas un choix, on n’en guérit pas tout simplement parce que ce n’est pas une maladie. Il faut être clair sur ce sujet ! En revanche, Dieu peut guérir de nombreuses blessures, peut combler chacun au-delà de nos espérances lorsqu’on lui offre tout ; ce n’est pas un Dieu sadique, contrairement à certains de ses serviteurs. La chasteté dans la continence est la voie offerte par Dieu et l’Eglise pour suivre le Christ pour les personnes homosexuelles, COMME pour les personnes hétérosexuelles qui ne se marient pas. Celles qui se marient doivent vivre la chasteté (il n’y a rien d’anti-sexuel dans la notion), c’est-à-dire l’amour vrai, le don de soi, l’écoute, pas de manipulation et d’emprise sur l’autre… ne pas utiliser la contraception chimique, en ce sens qu’elle finit fatalement par éloigner sexe et amour, comme toutes les enquêtes sociétales nous le démontrent aujourd’hui, avec 40 ans de recul. Eh oui, petit scoop : assumer d’être chrétien, c’est exigeant ! Il n’y a pas d’engagement sans gravité, sans mise à disposition existentielle. La vraie chasteté est un don gratuit de Dieu, elle ne peut venir que de Dieu. Il ne faut l’instrumentaliser ni dans un sens ni dans l’autre.

Prenons garde à ne pas tomber dans le jeu diabolique qui consiste à diviser pour mieux régner, qui consiste à briser l’Eglise Une, Sainte, Catholique. Ces adjectifs seraient-ils de trop ? Pèseraient-ils trop lourd ? La tête de l’Eglise est le Christ et elle est dirigée par l’Esprit-Saint (quel chrétien pourrait le nier ?), les hommes et femmes de l’Eglise sont tous pécheurs, moi le premier : mais comment reconnaître cette évidence tout en la niant dans les faits, en parlant de discours excessif ou conservateur ? Si l’on se reconnaît pécheur, n’est-ce pas qu’il faut nous corriger vers plus de sérieux ? La sagesse invite au dialogue et à trouver les solutions nécessaires dans la Paix. L’humilité consiste à écouter la souffrance de nos frères et sœurs, nous avons tous besoins des uns des autres dans l’amour, au-delà de la jolie sonorité du mot ; trouver des solutions dans nos vies pour vivre avec la paix et la joie, ainsi qu’accepter la Parole de Dieu, pleine et entière – serait-elle à la carte ?

Mon reproche à ces groupuscules, je l’émets dans la charité et le respect : ne plus vouloir entendre parler de péché mortel, c’est ne plus vouloir entendre une parole explicite de l’Evangile. Qui invente ? Qui aménage, relativise, atténue ? Ne serait-il pas plus simple, si l’on n’accepte pas cette part sévère de l’Evangile, courageusement, de prendre ses responsabilités et de reconnaître que l’on n’adhère pas véritablement à ce message ?

N’est-il pas demandé, oui ou non, de porter Sa croix et de renoncer à soi-même à la suite du Christ ? Exigence terrible à entendre j’en conviens, mais qui contestera qu’elle est au cœur de l’Evangile ? Que veulent-ils, ces groupuscules ? Que l’Eglise suive l’esprit du monde plutôt que celui du Christ, et qu’elle remette ses responsabilités propres à la société civile. Est-il sérieux d’attendre de l’Eglise qu’elle soit un phare, à la condition que ce phare éclaire le chemin que nous avons déjà choisi ?  

Veulent-ils qu’on supprime des versets bibliques gênants, afin de ne plus embêter personne ?  

Dieu peut TOUT, et cette circonstance est-elle bien présente à l’esprit de ces groupuscules, qui ne croient pas aux miracles ? Jésus est le médecin de nos cœurs et de nos âmes. Je ne souhaite blesser personne par ce texte. Jésus nous montre le chemin de l’exigence, non pas pour nous écraser mais pour nous élever. Nous pouvons compter sur la présence de la Vierge Marie et de tous les saints pour nous accompagner dans le combat spirituel que nous avons à vivre.

Excusez-moi d’avoir témoigné ainsi, peut-être avec rudesse : mais c’est l’affection et l’amour que j’ai pour vous qui m’y ont décidé, et chacun est libre d’accueillir ou non mes paroles. Que la prière soit notre force.

Publié par gaetanpoisson

Ancien séminariste, conférencier. Théologie catholique / Question de l'homosexualité au-delà de la rhétorique LGBTQI+

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