
Depuis quelques décennies, les courants d’influence sociétaux qui travaillent l’Église au sujet de l’homosexualité érodent lentement le contenu de la foi.
Qui suis-je pour soutenir cette grave accusation ? Un simple citoyen catholique d’inclination homosexuelle, dont le parcours de vie s’inscrit dans l‘Église (j’ai été jeune séminariste).
Après un parcours plutôt serein jusqu’au séminaire, j’ai découvert mon homosexualité, et mes choix intimes se sont brutalement déportés vers un mode de vie gay décomplexé. Pensant devenir pleinement libre, j’ai embrassé la plupart des théories LGBT, convaincu que je devais me débarrasser de toute morale antérieure. Je suis alors parti dans des extrémités qui, pensais-je, allaient me régénérer. Ce fut une lourde erreur que j’ai payé très cher.
Un temps, j’ai cru au couple homosexuel, pour moi autant que pour les autres ; ce fut une déconvenue majeure, et si je ne peux naturellement me prononcer pour autrui, tous les couples gays qui m’entouraient finirent en miettes et dans des leurres insurmontables. Par la suite, je me suis orienté vers les “océans de plaisir” qu’incarnent les relations sexuelles intempestives, et j’ai progressivement glissé vers un libertinage homosexuel total. Drogué aux applications, gavé de sexe facile et de philosophie LGBT, je suis devenu addict. Ces choix de plus en plus contraints et compulsifs m’ont mené à la maladie, à la solitude, et à une douleur existentielle immense.
Si j’ai pu me relever, sortir de ces sables mouvants, c’est par la grâce de Dieu : il n’y a pas d’autre raison à invoquer, puisque j’étais un être faible, pusillanime, incapable de me hisser personnellement au-delà de mes torpeurs. Une autre force que moi-même a donc agi. Rien de paranormal ici, juste la conséquence de l’existence d’un Dieu, d’un Dieu qui ne serait pas qu’un grand horloger, mais une véritable Personne capable de répondre à l’appel pathétique d’un homme détruit suite à la maladie, et surtout après l’annonce de la mort de ma soeur. Il ne suffit pas de multiplier les groupes de parole et de s’exprimer au milieu d’une empathie de principe pour se relever. La sensibilité personnelle, souvent vive chez la personne d’inclination homosexuelle bien que non systémique, intensifie les douleurs ressenties dans la chair. Il faut davantage que du soutien pour sortir de certaines épreuves. La politisation à l’extrême de la question homosexuelle a rendu tout espace de réflexion profond inaudible.
Mon témoignage n’est pas celui d’un prescripteur, encore moins d’un leader, mais simplement d’un témoin. Un témoin qui a vécu le fait d’être relevé malgré soi, et ses faiblesses. Pour cette raison, mon témoignage se prolonge en apologie de l’Église, de la foi qu’elle défend. Une foi rationnelle, justifiable point par point, et plus solide que tous les néo-courants intellectuels réunis depuis les deux bords de l’Atlantique.
A ceux qui ont fait de la belle science psychologique un courant idéologique, voire une idôlatrie, à ceux qui ont écarté comme aberration la question de la grâce, je m’écrie “Qu’avez-vous fait des trésors que Dieu avait laissé entre vos mains ?”
Assumer son homosexualité et défendre la doctrine de l’Église n’est pas une contradiction, pas même un paradoxe. C’est le centre de mon message. Naturellement, je n’en tire pas que des amis, et il est bon pour le débat d’être objecté, pourvu que la raison et la modération verbale soient de mise. Parmi les mille et un reproches que l’on a pu m’adresser, certains méritent mention : je pense surtout aux personnes qui, au sein de l’Église, me jettent tel ou tel verset biblique en pâture en balayant d’un revers de main tout débat. L’affaire est donc si simple qu’il suffirait de piocher dans la Bible les cartes magiques sans mise en perspective, au petit bonheur, comme les formules indépendantes entre elles d’un mode d’emploi gigantesque. L’autre travers dont mes détracteurs sont friands, c’est à l’inverse la relativisation de tout commandement à la toise de l’amour panthéistique : aime et fais ce que tu veux… c’est donc si simple d’être chrétien… Certainement ce que Jésus a demandé à ses apôtres depuis le premier jour ? Allons donc… Autre argument récurrent, captif du même syndrome relativisant : j’ai bien le droit de m’exprimer en faveur de la chasteté dans la continence, option difficile mais concrète, cependant, je devrais bien préciser qu’il ne s’agit que de mon choix, et que les autres cheminements (couples, activités sexuelles multiples dans l’amour…) sont tout aussi légitimes. A ceci je réponds non. Affirmer que les voies de salut ne sont pas interchangeables ou optionnelles selon les goûts et les couleurs, ce n’est pas manquer d’ouverture : c’est prendre au sérieux les idées, le fait qu’il y ait du vrai et du faux dans notre monde. Nous pouvons nous adapter à la vérité, mais la vérité n’est pas adaptable par elle-même. Précisons que ce n’est pas moi qui invite les personnes homosexuelles à vivre la chasteté dans la continence, mais bien la Parole de Dieu et la Tradition exprimées par l’Eglise. Le nier serait mentir ! Les personnes qui réduisent mon choix à une simple décision personnelle subjective utilisent un sophisme, celui du goût et des couleurs… C’est là nier au concept de vérité toute possibilité d’avènement sur cette terre. Si je puis me tromper, je puis aussi, théoriquement, avoir raison et dès lors ma subjectivité rencontre l’objectivité. Voici pourquoi je conteste toute validité à ce reproche habituel : “certes, tu peux bien parler pour toi, mais cela ne vaut que pour ta pomme”. Dernière malhonnêteté potentielle : contester ma position en utilisant des généralisations à l’emporte-pièce, pour mieux travestir mes positions et les rendre indéfendables. Le vieux sophisme de l’épouvantail n’est pas loin : technique malhonnête qui permet d’éteindre toute possibilité de contestation. “Vous êtes contre le bonheur des personnes homosexuelles, vous ? Vous seriez prêt à empêcher quelqu’un d’aimer qui il veut ? À définir le genre d’une personne à sa place ?” Non, évidemment. C’est une manière d’écraser le débat, en considérant par avance toute contestation éventuelle comme monstrueuse et oppressive. Moi, j’aime la rhétorique. Donc je n’aime pas qu’on écrase la dialectique.
Au bout du fil, l’agir catholique serait optionnel pour quelqu’un prétendant l’être. Une véritable liquéfaction de l’entendement submerge trop de conscience, et j’entends contribuer à alerter sur le phénomène. Qu’on me demande de mentir pour la bonne cause, de soutenir que ce que je vois dans les Écritures n’est pas vraiment ce qui s’y trouve, cela dépasse mon entendement. Nous assistons à un fascinant spectacle : le mouvement prodigieux, la tectonique des plaques théologiques. De nouvelles plaques théologiques émergent, encore gazeuses et liquides, submergent nos anciens paysages spirituels. Souvent, le résultat est un panache de cratères ou des lacs d’acier trempé desquels émerge une vapeur qui embrume tout. Face à ces paysages désolés, nous pouvons voir la montagne insubmersible de la Parole divine, et les plus grandes productions de sens qui l’entourent comme une croûte protectrice : les Pères de l’Église, les grands docteurs de la foi… A nous de nous tourner résolument dans le bon sens, quitte à cheminer à notre rythme.
« Les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ils amasseront autour d’eux des docteurs selon leurs désirs ; et éprouvant aux oreilles une vive démangeaison, ils détourneront l’ouïe de la vérité, et ils la tourneront vers des fables. » (2 Tm 4, 3-4)
Le combat spirituel n’est pas optionnel : au sein de celui-ci, il convient d’accepter l’aide de Dieu au côté de nos forces misérables. Au lieu de cela, nous assistons à un travestissement du combat spirituel par la profusion émotionnelle, un bavardage permanent d’une fréquente indigence, qui écrase tout. Revenir aux vrais philosophes, à Aristote, à Saint Thomas d’Aquin, à leurs solides raisonnements pointant vers le ciel : voici l’un des premiers pas à envisager. Ensuite, ne pas avoir peur des anges et de la science qui leur est consacrée : combien l’ont investie, parmi ceux qui se permettent de la railler ? L’Ange est l’être du combat spirituel : souvenez-vous du combat de Jacob… Explorer la vérité spirituelle de l’Église catholique est une aventure immense, qui tourne court dès qu’on pose les yeux du scepticisme de principe. Refuser de se faire déplacer, transformer, freiner des quatre fers par principe méthodique, c’est s’assurer un bel échec. Il est curieux, d’ailleurs, de constater que ce sont spécialement ceux qui plaident pour un laxisme très large en matière d’interprétation des dogmes… qui se targuent de méthode lorsqu’il est question du monde spirituel catholique : anges, miracles…
A nous d’être francs envers nous-mêmes, et d’accepter l’incroyable trésor qu’est la vie : si les mots ont un sens, c’est qu’Il y a bien un secret au-delà de nous-mêmes.
En définitive, sortir de la grotte telle que la décrit Platon ne serait pas une mauvaise affaire ; ne soyons pas des aveugles qui conduisent des manchots. Prenons au sérieux les enseignements de la Vérité en refusant les facilités du fidéisme. Et puisque Satan singe avec facilité l’humilité mais est incapable de singer l’obéissance, ayons en tête que l’Eglise catholique est un refuge crédible pour qui se perd en conjectures. Nous sommes nombreux, dans l’Eglise et chez les personnes de sensibilité homosexuelle, à refuser qu’on se serve de nous pour nous instrumentaliser à des fins politiques et sociétales.