
Avec les personnes divorcées remariées, nous avons en commun l’invitation à vivre la continence sexuelle pour pouvoir continuer à recevoir l’Eucharistie. Cette invitation que rappelle l’Eglise n’est pas faite par rigorisme ou intransigeance, mais simplement pour rappeler que les sacrements du mariage et de l’Eucharistie sont sacrés. Ces situations sont très douloureuses car on les trouve injustes, mais le choix est venu de nous. Il est évident que de nombreux mariages s’effondrent faute de sérieux, et ce n’est pas à l’Eglise d’être tenue responsable de ce problème sociétal majeur. Bien au contraire, elle pousse au discernement dès le début. Les personnes semblent s’offusquer davantage de ne pas pouvoir communier que d’avoir “cassé” le sacrement du mariage auquel ils s’étaient consacré. Cette hiérarchie de l’inquiétude dit tout le problème.
Les divorcés remariés sont au contraire libres de leurs actes, et ils ont eux-mêmes choisi le chemin qui est le leur. L’Eglise pose simplement que le mariage n’est pas un sacrement relatif, ou quelque chose d’effaçable comme une mauvaise tache d’encre. Même si la situation courait à l’échec du fait de tel ou tel partenaire, c’est l’acte du mariage qui compte, qui est sacré. Faire le choix de se remarier dans la société civile, c’est donc volontairement choisir de relativiser la qualité du sacrement qui est intervenu lors du mariage. L’Eglise rappelle alors ce qui est, et que l’on ne peut pas jouer à “stop ou encore”. Ce qui ne signifie pas que les divorcés remariés sont exclus de l’Eglise, bien au contraire.
Concernant les personnes homosexuelles, elles n’ont pas choisi cet attrait par envie ou pour essayer (quoi qu’à présent des situations hybrides se répandent). Ce n’est pas par plaisir que l’on se retrouve “gay”. C’est douloureux de s’éprouver différent, quelles que soient les législations protectrices établies. Le simple fait de ne pas faire partie de la norme génère un sentiment spécifique, une conscience de différence.
Comme la personne divorcée remariée, la personne homosexuelle a souvent subi un divorce difficile, pas forcément choisi, et se retrouve dans une situation douloureuse. On aimerait faire payer la note à quelqu’un, mais c’est précisément parce que personne n’est responsable de cela que c’est douloureux. Ce point est capital.
Il est très difficile de recommander à une personne qui découvre une orientation sexuelle différente, non choisie, de vivre la continence sexuelle. Je crois que l’homosexualité demeure traumatique lorsqu’elle demeure aux prises de la sexualité, et elle devient libératrice dès qu’elle s’élève au-delà de la sexualité, de la mécanique à laquelle le destin semble enchaîner la personne. Ce qui étouffe la personne homosexuelle, c’est la surdétermination sexuelle, c’est par ce paramètre que tous ses maux s’accumulent. Mais dès que le facteur sexuel est dépassé, l’épanouissement est possible, un épanouissement authentiquement homosexuel, qui n’est plus écrasé par le déterminisme. C’est compliqué à concevoir, mais ça marche. Il ne s’agit pas d’un combat anti-sexuel: dès que ça le devient, on fait fausse route.
Peut-on envisager un passage obligatoire à la consommation sexuelle pour chaque personne homosexuelle? Je ne peux l’affirmer parce que ce serait du déterminisme et tous ne vivent pas cela, bien qu’une majorité le vive. La pulsion peut-être très violente et l’addiction peut vite venir, l’addiction naît le plus souvent avec la souffrance et la solitude. Cette souffrance nous entraîne dans une spirale mortifère. Il ne faut pas se tromper de diagnostic, et prescrire une sexualité totale aux personnes qui souffrent précisément de cela. C’est pourtant l’option que la société “progressiste” propose.
La Doctrine n’est pas modifiable, mais elle peut être éclaircie, et croître. La nuance est subtile. Elle s’applique de même à l’Ecriture, qui ne saurait être modifiée, amandée, mais mieux comprise. Le Moyen Âge nous parle des quatre sens de l’Ecriture (Henri de Lubac les a très bien cernés). A nous de comprendre qu’il ne faut pas lire les textes de manière monomaniaque.
Il est nécessaire d’inventer une pastorale adaptée pour les personnes homosexuelles en prenant en compte le cheminement de chacun et l’importance de la médiation du temps, pour avancer sur le chemin de la foi.
C’est la foi qui sauve. Avons-nous encore la foi aujourd’hui ? Dieu comble au-delà des espérances, à condition d’espérer. Espérer c’est le contraire de revendiquer. Aujourd’hui, nous assistons à un véritable manque de foi, d’Espérance de Charité, et de formation chrétienne.
L’accueil est nécessaire, sans jugement, quelle que soit la situation de la personne et même si elle est en couple, qui suis-je pour juger mon prochain ?
Il est nécessaire de prendre toutes les dispositions nécessaires pour ne pas être confronté à la tentation, surtout lorsque la présence de la solitude est insupportable. Il y a là une réflexion à creuser pour aider la personne homosexuelle à sortir de la solitude par la présence d’amis, de communauté, pourquoi ne pas fonder des petits îlots communautaires pour vivre en communion et cheminer ensemble pour vivre l’exigence de l’Evangile. Chacun a des étapes à vivre dans sa vie pour arriver au but.
Les nouvelles idéologies ne peuvent pas marcher avec la foi mais la philosophie qui aime la réalité ouvre à la foi pour une raison simple : c’est le même Dieu qui a créé la raison et qui a révélé la foi.
Personnellement, je me sens pleinement accueilli par l’Eglise, jamais jugé. En revanche, je remarque souvent une sorte de crainte, d’hésitation devant “mon cas”, les prêtres sont si soucieux de bien faire, qu’ils ne vont pas forcément me délivrer l’Evangile aussi sereinement qu’à d’autres chrétiens. Ils ne savent pas vraiment comment gérer la situation face à une personne homosexuelle, et on peut comprendre que c’est compliqué, vu les pressions énormes de la société civile sur la question. Non, il n’y a pas de guerre contre l’homosexualité dans l’Eglise. Par contre, il y a une vigilance dans l’Eglise contre l’emprise idéologique de beaucoup de partisans homos dans l’Eglise. C’est tout différent!
Je suis acteur de l’Eglise dans la mesure où je témoigne personnellement de ma vie de chrétien, de mes difficultés, de mon chemin.
Question: Les personnes homosexuels qui sont en couple mais qui n’ont pas de relation sexuelles ( ni dans le couple ni ailleurs) est-ce qu’ils peuvent recevoir l’eucharistie ? Mon expérience est que certains prêtes qui se veulent « conservateurs » répond à ce question par le négatif, parce que les gestes intimes ( non-sexué) dans une relation entre deux personnes « sont « visées » à une activité sexuelles. Autrement dit, quand je tiens la main de mon conjoint, la finalité de ce geste est au dernier recours sexuelle. Donc le fait que je partage une vie intime avec un personne du même sexe, même non-sexuelle, m’ exclut des sacraments. J’aimerais avoir votre avis sur cette question.
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Merci André pour votre excellente question ! En effet, certains prêtres refusent l’Eucharistie à des couples homosexuels vivant pleinement la continence et faisant au mieux pour vivre la chasteté. Personnellement, je pense qu’ils ont tort de les priver de la présence réelle dans l’Eucharistie au motif très scolastique que leur tendresse est une manifestation présexuelle. Sans rentrer dans le détail de tous les gestes éventuels en cause, je pense que cette logique pourrait aboutir, in fine, à priver tout le monde de l’Eucharistie : ainsi, tel fidèle ayant eu un regard concupiscent pour une voisine a commis l’adultère selon le mot du Christ, ainsi, tel geste courtois envers une demoiselle impliquerait un impensé fanatiquement sexuel… On ne s’en sortirait plus, et seuls des personnes d’âge canonique et dépourvus de toute inclination libidinale seraient fondés à recevoir notre Seigneur Jésus réellement présent dans la sainte Eucharistie. Il faut à mon sens en rester à l’essentiel : la question de la rupture du sacrement du mariage, et quelles options salutaires pour les personnes victimes ou responsables du divorce.
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Tout d’abord, je m’excuse pour mon retard. Je découvre votre question tardivement. Je me dois d’y répondre, elle me paraît très importante car elle met souvent les membres de l’Eglise dans l’embarras. Sur ce point, mon avis personnel ne compte en rien, mais je vais essayer de réfléchir avec vous en essayant d’être juste.
Le premier point est le suivant : l’Eucharistie est une réalité objective, sacrée, qui n’est pas sujette aux marchandages spirituels. Quelle qu’elle soit, la situation de l’homme qui s’avance pour recevoir l’Eucharistie est celle du pécheur. Il en résulte que l’état de pécheur n’est pas en soi discriminant pour recevoir l’hostie consacrée puisque le pécheur peut être absout de ses péchés par le sacrement de la confession. En revanche, l’Eglise a établi des règles en s’appuyant sur la Parole de Dieu, je cite : « Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même. » (1 Co 11, 28-29) et nous avons chacun la possibilité de suivre ou non ces règles en conscience.
Enlever la règle, c’est détruire pour soi la structure qui gouverne la logique de la Rédemption et de la transfiguration par Dieu. Il existe des cas particuliers évidents, en dépit de la règle eucharistique concernant les couples homosexuels, pour ceux qui vivent la chasteté dans la continence. Or si l’on détruit la légitimité de cette règle, on détruit du même coup les cas particuliers de situations personnelles qui peuvent – éventuellement – être compréhensibles dans les limites d’une sage lucidité.
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