La rivalité́ mimétique – catéchèse de la rencontre et du vrai désir du mariage

Dans notre monde présent, que ce soit au travail, en famille, au sport, sur Instagram… nous sommes témoins d’incessants appels visuels et physiques qui, pour un peu, relèveraient du combat. 

Le langage de type verbal, tel que nous le connaissons, tend à s’effacer derrière un autre type de communication : celui du corps comme expression de l’homme tribal. Regards félins étudiés au millimètre, sourires aux évocations gourmandes, “Duck face”… Hommes et femmes de tous âges sont désormais comme des lions prêts à sauter sur leur proie, des paons danseurs aux formes savamment érotisées. Pour survivre dans cet ultralibéralisme sensuel, il convient d’être au top, constamment préparé pour révéler ses foudres et renvoyer Apollon aux oubliettes…

Chaque personne veut être un DIEU pour l’autre, espoir irréalisable. Lorsque la déification semble néanmoins toute proche, elle génère une rivalité mimétique qui gâche souvent les soirées : réactions agressives et, au pire, pugilats à l’antique débouchant sur la déchéance du vaincu, de l’impuissant, de l’esclave profane. L’idole peut alors rayonner, accueillir les pires démonstrations de déférence païenne. Nous sommes dans la prostitution sacrée et son cortège de luxures. Cette analyse se fonde sur une démonstration du philosophe René Girard. 

Quiconque ressent l’envie sensuelle, peut tomber sous la domination de l’autre et devenir son esclave. L’esclave peut cacher, un temps plus ou moins long, son désir pour un éventuel futur maître ; alors, il joue le rôle de l’indifférent,  et dans le pire des cas, du dédaigneux envers son maître. Cependant, dans le secret de son cœur, il sait qu’il cédera, qu’il tombera ; il tente simplement de résister à l’emprise, dans un dernier sursaut de dignité. L’esclave ne s’avouera jamais vaincu et n’assumera jamais pleinement son rôle d’esclave ! Il y perdrait toute sa personnalité, sa fierté, son honneur, sa dignité – en somme, son IDENTITÉ.

Dans notre monde hypersexualisé, Kardashianisé, chacun veut être sujet de l’admiration de l’autre et personne n’entend avouer son désir pour garder la face.

L’individu est incapable d’admettre l’égalité de pouvoir, car il ne la supporte pas ; c’est le propre de la nature humaine ; Girard y voit la trace du péché originel… pire, la trace du péché luciférien, l’Orgueil. Cette mécanique pousse l’homme à la rivalité, au combat avec son prochain. Or, puisque nous ne pouvons être tous des maîtres, ce système multiplie en vérité l’esclavage. Aussi, ce que le maître ne sait pas d’emblée, c’est que lui-même sera tôt ou tard appelé à se soumettre devant un autre maître, plus élevé, plus implacable. La chaîne de servitude s’étend ainsi jusqu’à l’Enfer. 

L’être en proie au désir mimétique ne sait pas lui-même que, sous l’influence du Diable, il cherche à imiter Dieu, l’autonomie divine éternelle et parfaite, celle de la Sainte Trinité. La multiplicité infernale des dieux-humains acte l’existence d’un Panthéon inférieur, infernal, dont les colonnes sont faites de chairs déchues.

L’Epiphanie du Dieu unique ne se manifeste pas ainsi … !

La personne qui ne souhaite être ni maître ni esclave mais qui secrètement désire rencontrer une personne et souhaite la posséder, sans y parvenir, cette personne entre en rivalité mimétique avec toutes celles qui y parviennent ; entrer en rivalité mimétique, cela signifie que la personne va vouloir ressembler aux dieux séducteurs qui exercent sur les autres une attraction inégalable; et elle va souhaiter pouvoir lui ressembler et prendre sa place ; il se peut qu’elle supprime des rivaux en chemin. Elle le fera au nom de prétextes habiles, moraux, religieux ; en vérité ces rivaux lui rappelaient trop sa médiocrité, son infériorité, sa « nullité ». 

Voici ce que nous vivons au quotidien à une échelle intérieure très tangible… Cela est inscrit dans l’homme depuis les origines et se répercute régulièrement dans nos familles, nos relations, entre nations… C’est la conséquence d’une nature humaine viciée dès l’origine. Girard a compris, en découvrant cette fatalité, que le péché originel n’est pas un mythe, mais une réalité fondamentale dont le désir mimétique est la preuve. Girard s’est converti au christianisme.

Pour ne pas tomber dans la servitude et l’esclavage du maître : il faut tout intellectualiser ou exprimer son désir par le langage oral, ce qui est parfois difficile pour pléthore de personnes. Proust l’a fait dans son œuvre. La Recherche est un arrachement au désir mimétique, selon Girard, grâce à l’exercice de la mémoire qui met à distance, grâce à l’intelligence et au raisonnement.

L’expression de son désir par l’oralité désarme l’autre et fait qu’on ne rentre pas dans son jeu. Nous évitons l’esclave. L’autre solution est le don de soi : L’Amour authentique qui ne se fonde ni sur la puissance ni sur le pouvoir abolit la rivalité ; l’Amour qui dit son désir de l’autre à celui qui l’inspire, simplement, sans craindre l’humiliation ou le rejet, cet amour-là rend libre. La vérité rend libre !

René Girard nous apprend qu’on a toujours à gagner à dire la vérité et exprimer son désir. Ainsi, nous nous libérons, nous pouvons nous reconnaitre comme un esclave, car le maître va reconnaître que notre force se trouve ailleurs, notre force c’est l’humilité, et l’humilité désarme… Nous cessons alors d’être esclaves. Nous aimons assez pour dire notre désir et nous reconnaître « esclave » : dès lors, renversement paradoxal, nous devenons le maître, nous devenons le plus fort, parce que nous n’avons plus peur de notre désir. En Dieu, ce désir est éprouvé et il devient pur. Il se nomme le don de deux êtres dans le mariage, dans l’amour humble et fécond. 

Publié par gaetanpoisson

Ancien séminariste, conférencier. Théologie catholique / Question de l'homosexualité au-delà de la rhétorique LGBTQI+

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